Résumer la carrière de Mathieu Bastareaud est un défi. Parce qu'elle est longue, elle est complexe, et elle est incroyablement riche.
Comment peut-on balayer vingt ans au haut niveau, quand bien même l'on survolerait son parcours à la hâte. Alors que retenir de la carrière de "Basta" ? Et bien, c'est toute la magie du garçon : tout le monde retiendra quelque chose de lui. Et, souvent, quelque chose de différent.
Un début de carrière qui a débuté très jeune
Certains se rappelleront de la précocité du gamin de Massy. À peine 17 ans, déjà titulaire chez les grands. Fraîchement majeur, espéré avec le XV de France. Parce que si Bastareaud est un gosse, le visage couvert d'acné et les rêves d'adolescent qui vont avec plein la tête, il est aussi et surtout un phénomène absolu.
En troisième division, il survole les matchs. Rapide, puissant, mature : il tape dans l'œil du sélectionneur des Bleus, Bernard Laporte. On le compare à Ma'a Nonu, l'autre phénomène mondial, où à Tana Umaga, le capitaine des All-Blacks. À 18 ans, le jeune homme doit s'envoler pour la Nouvelle-Zélande et va pour connaitre ses premières minutes au niveau international, mais une blessure au genou le prive de tournée. En revanche, cela ne le prive pas du coup de projecteur immense apporté par le XV ... et ce n'est que le début.
Un physique et une puissance hors norme.
D'autres se souviendront de la puissance de Mathieu Bastareaud. Un buffle. Un colosse. Un joueur capable d'emporter trois, quatre, cinq adversaires d'une charge. Ses plaquages désintègrent ses adversaires, ses charges sont inarrêtables. Parce que son corps d'adolescent laisse place peu à peu à celui d'un joueur atypique : avec ses 130 kilos, il est à la fois le plus solide centre du monde, et certainement pas le moins technique des 3/4 du championnat. Et que ce soit à Lyon, à Paris ou à Toulon, au centre d'abord et en troisième ligne ensuite, il détruit tout sur son passage. Une image symbole de cette puissance sans égal : son essai face à Biarritz avec le Stade Français, après une charge de 30 mètres et 5 adversaires emportés sur sa route.
Pour une partie des suiveurs, c'est la révélation du phénomène, qui explose en 2009. Il devient titulaire avec le Stade Français et il s'impose avec les Bleus version Lièvremont. Sa première sélection avec le XV de France se déroule face à Jamie Roberts (1m96, 120 kilos). Il est élu homme du match. A 21 ans, l'avenir semble lui appartenir.
Après une période compliquée en 2009, Marc Lièvremont le rappelle en équipe de France pour le VI Nations. Un Tournoi conclu par un Grand Chelem.
En 2011, il signe au RCT. Et là, Bernard Laporte va faire de lui son homme de base.
De toutes les victoires, de tous les titres, il marche sur l'Europe. Trois victoires consécutives en Coupe d'Europe en étant le seul français indiscutable. Laporte met en place un système dans lequel il brille. Toujours aussi puissant, toujours aussi décisif, il ajoute une dimension mentale. Et puisqu'il gagne tout, puisqu'il prouve qu'il a le niveau international, logiquement, il revient en Bleu. D'abord sur la pointe des pieds. Puis en tant que patron.
Sa fin de carrière sera en revanche inattendue. Déjà parce que Bastareaud est le premier international français de l'ère professionnel à changer de poste. Il glisse d'un rôle de centre à celui de troisième ligne. Le colosse à vieilli et ses genoux aussi. Il ne peut plus aller aussi vite qu'avant ? Alors il ira plus fort. Seulement il se blesse. Gravement. Deux fois. Et tout le monde imagine que la fin est proche. Mais Mathieu Bastareaud n'est pas un joueur comme les autres. Pas question pour lui de finir sur un pépin. Alors le varois d'adoption revient pour un dernier défi. Gagner un dernier titre avec le club qu'il l'a tant aimé.
De Jules-Ladoumègue à Jean-Bouin, de Mayol à Gerland, du Stade de France à l'Eden Park d'Auckland, les dieux du rugby ont probablement murmuré son nom. Puis le vent l'a transporté de village en village, de vestiaire en vestiaire, de tribune en tribune.
Un murmure ovale, qui est devenu un grondement, un rugissement même. Des milliers ont hurlé son nom, des stades entiers se sont enflammés sur ses charges folles. Ses percussions résonneront encore longtemps après la fin de cette carrière pas comme les autres. Peu importe ce que l'on retiendra du gosse surdoué, du destructeur terrifiant, du colosse de la Rade. Mais personne n'oubliera Mathieu Bastareaud, l'homme qui a fait trembler la planète ovale.