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L'histoire des Fidjiens
L'histoire des Fidjiens
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L'histoire des Fidjiens

Publié le

15
/
09
/
2023

Il suffit d'entendre le nom de cet archipel pour plonger immédiatement dans un monde irrationnel. Les îles Fidji. Une invitation au voyage, au rêve mais aussi à la crainte. Les dieux du rugby ont probablement vu le jour dans ces îles du bout du monde. Et si ce pays se trouve perdu au milieu du Pacifique, les joueurs qui y voient le jour n'ont rien de paisible. Le plus grand mystère réside peut-être dans cette équation curieuse et insoluble : comment un pays aussi peuplé que la ville de Marseille, situé à 750km de son plus proche voisin, et à plus de 4000 km de l'Australie, peut produire autant de joueurs de talent et depuis autant de temps ? La quadrature du cercle au pays de l'ovalie.

Aujourd'hui, 39 joueurs fidjiens évoluent en Top 14. A travers le temps, certains ont traversé ce championnat comme des comètes. D'autres ont brillé si fort qu'ils se sont inscrits durablement dans la riche Histoire de notre championnat. Focus sur 4 stars fidjiennes qui ont rayonné dans le championnat de France.

Emori Bolo Bolo, le pionnier

Premier joueur fidjien à découvrir et surtout à remporter le championnat, Emori Bolo Bolo est un pionnier. Un joueur aussi dévastateur sur le terrain que doux en dehors. Pour dresser le portrait de ce joueur atypique, Denis Charvet, celui qui l'a découvert et qui l'a fait venir en France. L'ancien joueur est alors entraineur des arrières du Stade Français. Un club qui vient tout juste de remonter en Top 14.

Denis Charvet - Rugbyrama

"C’est une histoire de fou : j’étais invité avec les Babas pour un Tournoi en Asie. Je faisais un voyage avec Jean-Pierre Rives, Serge Kampfs et tout le monde.  

On était à HongKong, je regardais les matchs, et là, je vois un joueur qui à chaque ballon, traverse le terrain. Personne ne le connaissait. Mais c’était un monstre. Après les matchs, je le croise par hasard dans une tribune. Je discute avec lui, je lui dis « avec ton talent, tu devrais venir en France ». Il semble intéressé et il me donne son numéro. Quand je rentre, j’en parle tout de suite à Bernard Laporte, qui est entraineur du Stade Français. Bernard ne l’avait jamais vu joué de sa vie. Mais je lui dis, « Bernard, c’est un extra-terrestre ». Alors il me fait confiance. Et il l’appelle.

Ce qui est drôle, c’est donc qu’on l’appelle, on arrive à le joindre, on le fait venir à Paris. Et là y’a un truc hallucinant : je me retrouve dans le bureau avec Max Guazzini, le président du club. Mais Max me demande de venir avec lui à NRJ parce qu’il parlait deux mots d'anglais. Il me dit « combien il veut ». Mais j’en sais rien du tout. On ne sait pas ce qu’il vaut, je l’ai vu jouer à 7s… Je faisais l’intermédiaire mais j’avais aucune vraie idée de ce qu’il valait. Je lui demande combien il veut. Et paf on signe et il arrive au Stade Français. Quelques mois plus tard, il marque l’essai décisif en finale du championnat de France.

L’histoire est belle aussi, parce que ce mec c’était le fidjien à l’état pur. C’était un homme doux, pudique. C’était difficile de vraiment échanger, mais très attachant. Et puis sur le terrain, il était ultra physique. C’était le Jonah Lomu fidjien. Il allait très vite. Il avait tout. Mais quand même, à l’aile, d’un côté c’était Christophe Dominici et de l’autre, c’était Bolobolo. Physiquement, c’était pas la même (rires).

J’avoue que ce qui ma manqué, c’est de le voir jouer à 7s. Il faisait ce qu’il voulait. C’était un choc. Bizarrement, je me demande comment ce mec n’a pas été repéré avant. Comment il n’a pas signé ailleurs. Il était au-dessus de tous les autres. Aujourd’hui, on pourrait le comparer à Raka."

FICHE D'IDENTITE D' EMERI BOLOBOLO

  • Nom complet : inconnu
  • Taille : 1m90
  • Poids : 108 kilos
  • Clubs : Stade Français
  • Sélections : Fidji à 7
  • Titres : Champion de France de Top 14 1998 (Stade Français)

Napolioni Nalaga, le bullzdozer des îles

"Napo" a fait trembler le Top 14. Ses charges dévastatrices et son style tout en puissance ont fait des ravages pendant près de 10 ans. Avec l'ASM Clermont, il a connu les sommets du championnat et les cimes européennes. Alors qui de mieux pour parler de lui que son alter-égo chez les Jaunards, Julien Malzieu. L'international français se souvient pour vous de ce joueur fantastique.

Julien Malzieu, ancien joueur de Clermont et de l’équipe de France sur Napoleoni Nalaga:

Julien Malzieu - Rugbyrama

"Napolioni Nalaga… La première fois que je l’ai rencontré, je pense que c’est quand il est monté pour s’entraîner avec les pros. Mais j’en avais déjà entendu parlé, parce que mon frère avait joué avec lui chez les Espoirs. Il m’avait dit « attention, c’est un monstre ». Le premier match avec eux, il avait marqué 4 essais, il avait traversé le terrain je sais pas combien de fois.Comme on dit souvent dans le rugby, « Napo », c’était un animal. Physiquement, il n’était impressionnant. Ça n’était pas un joueur musculeux, il n’était pas dessiné comme d’autre, mais les bras, les cuisses, les mollets, le dos : tout est énorme. Il était monstrueux. A l’époque il faisait quoi ? 105-107 kilos. Mais ce qui est drôle, c’est qu’il passait un peu pour un anti-fidjien. Mais attention : c’était un faux lent. Ses qualités c’était aussi les appuis et la vitesse. Mais c’est vrai que sa principale arme, c’était sa puissance. Il était spécialisé dans le défonçage de mec (rires).

Comme il était costaud, volumineux, il était très difficile de défendre sur lui. Si tu le prenais en bas, il t’enfonçait. Et en haut, il pouvait te mettre un raffut d’un autre monde. J’ai une image : en 2009, entre deux matchs du Tournoi des VI Nations, je vais dépanner France 7s, à Dubaï. Thierry Janeczek, le sélectionneur, savait que je n’avais pas la caisse comme quand je jouais avec eux. Alors au début du tournoi, il me dit gentiment, « je te mets à l’aile, comme ça tu auras moins de terrain à couvrir ». Seulement, on tombe contre les Fidji et je me retrouve face à Napolioni Nalaga. Je me retrouve à défendre face à lui. Il arrive lancé. Je ne suis pas le meilleur défenseur du monde, alors j’attends, j’attends… Jusqu’au contact. Et là, il me met la paume de la main dans le sternum. Et sans rigoler, je prends un coup de fusil à pompe dans le plastron. Il m’a défoncé. Je tombe par terre, je roule. Horrible…

L’autre souvenir, c’est en 2008 je crois. Avec L’équipe de France, on joue les Pacifics Islanders. Et au bout de 15 minutes, il rate son plaquage et il arrache la tête de Jean-Bapstiste Elissalde. Il prend un carton rouge. La dernière image qui me vient quand on parle de lui, c’est une demi-finale du championnat de France, contre Perpignan. C’était en 2007. Ce jour-là, on fait un bon match.

Napo franchit le premier rideau. Nicolas Laharrague essaye de revenir sur lui de façon un peu désespérée, et là, il lui colle un raffut énorme. Laharrague passe de 25km/h à 0 km/h en une demi-seconde. Il a pris un mur. Je me souviens de cette action parce que c’était un match important. Mais des trucs comme ça, Napo l’a fait des dizaines, des centaines de fois."

Fiche d'identité de Napolioni Nalaga :

  • Nom complet : Napolioni Vonowale Nalaga
  • Taille : 1m91
  • Poids : 109 kilos
  • Clubs : Clermont, Lyon
  • Sélections :
  • Titres : Champion de France de Top 14 2010 (Clermont), champion de France de ProD2 2016 (Lyon)

Ma Vidéo MP4

Rupeni Caucaunibuca, le diamant brut

C'est peut-être le meilleur fidjien de tous les temps. Ceux qui l'ont affronté le désigne presque toujours comme le plus grand joueur qu'ils ont croisé. Et ceux qui ont joué avec lui le font à chaque fois. Rupeni Caucaunibuca, le génie, la pépite, le plus grand. Quand il avait envie... Retour sur son arrivée et son explosion en france avec celui qui devait lui servir de capitaine et parfois de chaperon, Luc Lafforgue, l'autre ailier du SU Agen.

Luc Lafforgue, ancien joueur d’Agen (1998-2009) sur Rupeni Caucaunibuca :

Luc Lafforgue - Rugbyrama

"Le premier souvenir que j’ai, je pense que c’est le même souvenir que tout le monde. Il avait joué contre la France lors de la Coupe du Monde. Et on savait déjà que c’était une bombe. Alors quand il arrive à Agen, il était plus costaud. Parce que quelques mois étaient passés, qu’il n’était pas le plus sérieux sur l’hygiène de vie et qu’il avait pris quelques kilos. Mais voilà, on a vu débarquer un magicien. Un génie. Un mec qui savait tout faire. Technique, vitesse, puissance : c’était un extra-terrestre.

Pour tout dire, j’ai joué longtemps au rugby, j’ai connu des grands joueurs. Mais Rups, c’est le meilleur joueur avec qui j’ai eu la chance de jouer. Il savait tout faire. Il pouvait t’électrocuter sur une percussion ou te déposer sur un mètre et que tu ne le touches pas. C’était juste hallucinant. Vraiment, un magicien.  

Aujourd’hui, on parlerait de « facteur X ». Mais à l’époque, c’est simple : personne ne pouvait l’arrêter. S’il décidait de marquer, il marquait. J’ai connu des Nalaga, des Bobo, des finisseurs géniaux. Mais Rupeni, ça n’était pas qu’un finisseur qu’on mettait dans le couloir. Il était créateur aussi. Il pouvait se faire des essais tout seul. Ça nous est arrivé plusieurs fois à la mi-temps de lui dire : « Rups, il faut que tu nous aides », et en trois ou quatre ballons, il emportait tout. Même nous, parfois, on devenait spectateurs de ce qu’il faisait.

Moi je vais vous dire, j’ai compris que j’avais affaire à un joueur extraordinaire parce qu’il remplissait le stade à lui tout seul. Franchement, 50% du stade venait pour le SUA, et 50% venait pour voir Caucaunibuca. Il était capable de tout. Je l’ai vu traverser le terrain en tenant le ballon à une main, je l’ai vu courir juste un peu plus vite que le joueur le plus rapide d’en face, en le regardant dans les yeux pour le narguer.

Après, je sais que pour le club, c’était aussi un casse-tête. Parce que pour certains entrainements, il fallait aller le chercher chez lui. Parce que quand il partait en vacances aux Fidji, il revenait avec 15 jours de retard et 10 kilos en trop… Sylvain Mirande et moi, on était chargé de nous occuper de lui à Agen. C’était un joueur formidable, mais pas vraiment adapté à la vie européenne et c’était parfois assez difficile.  Tu sais, quand au bout de la seconde série de 30/30 sur un entrainement physique, il marchait… pffff. Mais il était tellement au-dessus. Il nous faisait gagner des matchs. Alors qu’est-ce que tu veux lui dire ?

Je me souviens, contre Clermont : il rentre dans les 22m, il accélère, il crochète, il ré-accélère, il a 4 mecs sur le cul, et il les emporte pour aller marquer tout seul… Il y avait tout dans cet essai : puissance, technique, vitesse. Et puis un autre match, contre Toulon. C’était affreux, dans le brouillard. On lui a dit « Rups, allez, sors-nous de là ». Et il a marqué 1 ou 2 essais. Quand il avait envie, il traversait le terrain. C’est le fidjien par excellence : ultra doué, mais pire fainéant de tous (rires).

Mon souvenir le plus drôle, ça reste la fois où, avec Sylvain, on essayait de l’avoir au téléphone dans son village des Fidji pour lui demander de rentrer. Et franchement, on a eu tout le village avant de l’avoir lui (rires). Mais bon, Laurent Lubrano le Directeur Général avait dû aller le chercher là-bas. Et pour y arriver, c’était l’enfer.

Pour finir, Rokocoko a dit de lui que c’était le meilleur de tous les joueurs qu’il avait croisé. Et même à 130 plaques (130 kilos NDLR) à Toulouse, tout le monde se foutait de sa gueule parce soit disant, il n'avançait plus. Mais j’ai revu les matchs : sur le titre du Stade Toulousain en 2011 et en 2012, c’était toujours le meilleur joueur sur le terrain."

Fiche d'identité de Rupeni Caucaunibuca

  • Nom complet : Rupeni Caucaunibuca
  • Taille : 1m81
  • Poids : 110 kilos
  • Clubs : Agen, Toulouse
  • Sélections : 8 sélections, 10 essais.
  • Titres : Champion de France de Top 14 2011 et 2012 (Toulouse), vainqueur du championnat de France de ProD2 2010 (Agen)

Ma Vidéo MP4

Sireli Bobo, le doyen funambule

A plus de 40 printemps, il continuait à maltraiter ses adversaires et à faire frémir les tribunes. Sireli Bobo est un modèle. Un exemple de sérieux, de travail et de longévité. Mais avant d'être un vieux sage et un guide spirituel, l'ailier a d'abord été le joueur le plus élégant et le plus rapide du Top 14. A Biarritz, il s'est révélé et a éclaboussé le championnat de sa classe. A ses côtés, un joueur qui devait alimenter le glouton fidjien : Julien Dupuy. Le demi de mêlée se plonge dans ses souvenirs pour vous.

Julien Dupuy, joueur de Biarritz et de l'équipe de France au sujet de Sireli Bobo :

Julien Dupuy - L'Equipe
Julien Dupuy - L'Equipe

"La première fois que l'ai rencontré, franchement ? Je ne m'en souviens pas. Par contre, je me souviens très bien du premier entrainement. Honnetêment, il n'y en avait pas d'autre comme lui. Physiquement, il était sec, grand, élancé. Mais c'était surtout sa vitesse. Il était beau à voir. J'ai pas de souvenirs particuliers. Mais dès qu'il avait du champ, il allait à 10000 à l'heure. Pour tout dire, on avait même des lancements de jeu uniquement fait pour le faire briller. On avait des mouvements pour le faire croquer (rires).

Et puis je me souviens aussi des séances physiques, des 10/10 des 20/20, nous on partait a une vitesse régulière pour ne pas se cramer. Mais lui, sur les 10 premiers mètres, il faisait 4 pas quand toi tu en faisais 20. Et le reste, il le faisait en marchant. C'était hallucinant.

Après dans le groupe, ça a toujours été un électron libre. On devait le protéger un petit peu aussi. Non parce que quand tu prends deux crochets, trois crochets, un cadrage-débordement... bon au bout d'un moment, il pouvait prendre les genoux d'un adversaire dans le dos dans un ruck. Et puis à l'époque, il faut se souvenir aussi : c'était pas hyper facile pour lui. Il n'y avait pas autant de joueurs fidjiens dans le championnat. Il y a bien eu quelques soirées avec Rupeni Caucaunibuca, mais c'était pas la même époque.

On va dire que j'ai croisé 3 phénomènes dans ma carrière. Alesana Tuilagi, Waisea Nayacalevu et Sireli Bobo. La différence entre Waisea et lui ? Je dirais que ca n'était pas la même époque. C'est difficile de comparer. Mais Waisea était capable de se créer de l'espace à partir de n'importe quel ballon, quand Bobo, le moindre espace, il perçait pour marquer. Je peux vous l'assurer : il n'y avait pas beaucoup de mec qui dormait bien la veille de jouer face à Sireli Bobo. Parce que je vous l'ai dit : il était sec, affuté, rarement blessé. Et puis il fallait l'attraper... je suis pas étonné de l'avoir vu jouer jusqu'à 42 ans. Peut-être aussi qu'à l'époque, il y avait moins de combat quand tu jouais à l'aile.

Ce n'était peut-être pas le meilleur défenseur du monde. Mais on lui pardonne. D'ailleurs on pardonne à tout le monde. C'est vrai, il y a eu cet essai contre le Munster qui nous prive d'un titre. Mais c'est plus un problème de communication, pas simplement un problème avec Sireli. Ca n'est pas lié qu'à lui. Alors oui, il avait un immense talent. Mais je crois qu'on pardonne à tout le monde. Même ceux qui n'en avait pas autant que lui."

FICHE D'IDENTITE SIRELI BOBO

  • Nom complet : Isireli Bobo
  • Taille : 1m91
  • Poids : 99 kilos
  • Clubs : Biarritz, Racing, La Rochelle, Toulon, Pau
  • Sélections : 19 sélections, 11 essais
  • Titres : Champion de France de Top 14 2006 (Biarritz), Champion de France de ProD2 2009 (Racing-Métro)

Ma Vidéo MP4

Au Mondial, les Fidji seront dans la poule C. Ils seront opposés au pays de Galles (10 septembre), à l'Australie (17 septembre), à la Géorgie (30 septembre) et au Portugal (8 octobre).

LP vous propose un jeu : quels sont les meilleurs fidjiens de l'Histoire du championnat ? A vos compos ! Et voici la notre :

Le Xv des fidjiens du Top 14 de LP :

Ravai - Matavesi - Saulo

Nakarawa - Qovu

Botia - Koyamaibole - Qera

Serevi - Bai  

Nalaga - Tuisova - Radradra - Nadolo  

Talebula

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